Rester ou partir en Irak?

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Opinion du webmaster

Rester ou partir en Irak ?

L'expérience d'imposition du système politique démocratique en Irak par les USA est capitale pour l'avenir des relations entre les Etats musulmans et l'Occident.
Si l'expérience de démocratisation forcée réussit en Irak, elle sera tentée ailleurs, au  gré des circonstances favorables. Si elle échoue, nul ne songera plus à cette possibilité, en outre les gouvernements occidentaux perdront confiance dans la capacité des peuples arabes de bâtir un système démocratique.
On voit bien en Irak les fondements d'une telle condamnation : la grande masse du peuple reste amorphe devant les besoins du nouvel Etat irakien : faible participation à la vie politique laïque, faible engagement en faveur des forces de police, grogne permanente, absence de résistance devant l'emprise croissante des réseaux religieux ou politiquement extrémistes, médiocre combativité de la nouvelle armée irakienne et des forces de police.
Il est à craindre que le nouveau régime irakien  ne s'effondre sous la poussée des différentes milices dès le départ des troupes américaines.
Cette prudente inertie des masses arabes en Irak est typique des peuples du tiers-monde, spécialement en Orient musulman et en Afrique noire. L'opinion des classes dirigeantes en Occident risque d'être que les peuples arabes ne peuvent reconnaître que les pouvoirs forts, à base religieuse ou militaire. Et en cas de conflit, la riposte occidentale sera donc beaucoup plus violente.

Mais revenons à l'Irak lui-même. L'histoire du Liban nous fournit les grandes lignes du scénario sanglant qui pourrait se jouer dans ce pays. Si les troupes coalisées l'évacuent et si diverses milices s'emparent du pouvoir dans les différentes régions de l'Irak arabe, elles deviendront rapidement le jouet des Etats voisins. Le délabrement de l'industrie pétrolière, qui s'aggravera rapidement en cas de chaos politique, ne permettra pas aux chefs de guerre locaux de payer leurs troupes et de les armer. Il faudra donc qu'ils trouvent de l'argent soit dans les poches d'une population irakienne impécunieuse, soit en se livrant à divers trafics illicites, soit en exploitant à la diable un peu des ressources pétrolières, soit en quémandant des subsides aux Etats potentiellement alliés.
Quelles sont les grandes milices qui s'affronteront en Irak ? On voit déjà en action les baathistes dans le triangle sunnite, de même que des groupes fondamentalistes sunnites. Les Turkmènes sont actifs dans le nord du pays. Les tribus du désert irakien retrouveront leur antique indépendance. Diverses milices chiites se disputent déjà leurs zones d'influence dans le Sud. Le Kurdistan accédera à une indépendance de fait.
La Syrie baathiste soutiendra probablement les miliciens baathistes dans la zone sunnite. La Jordanie, rivale de la Syrie, aidera les fondamentalistes sunnites et des baathistes dissidents.
L'Iran soutiendra celle des milices chiites qui se montrera la plus favorable à son influence en Mésopotamie. L'Arabie Saoudite et le Koweit soutiendront les autres de peur de l'Iran. La Turquie aidera les Turkmènes. Les Kurdes seront soutenus par Israël et, puisque les forces US ont toujours été bien accueillies dans cette région d'Irak, par les U.S.A..
On peut penser que les Kurdes s'empareront d'une grande partie des zones pétrolières du nord irakien (Kirkouk). Les Turcs lorgneront sur celles de Mossoul, région qui leur avait échappé au moment du démembrement officiel de l'empire ottoman en 1919-1920. La Syrie pourrait la leur disputer. L'Iran cherchera à vassaliser tout le Sud irakien (et une partie de son pétrole) jusqu'à Bagdad. Bagdad deviendra un nouveau Beyrouth (genre guerre civile libanaise).
Les principales zones pétrolières du sud irakien, dans le désert à la frontière du Koweit, avec le terminal de Fao, resteront en main américaines. Ceci pour protéger le Koweit et affaiblir les diverses milices irakiennes.
Tout ceci sur fond de combats d'infanteries interminables de quartier à quartier ou de ville à ville, de prises d'otages occidentaux, de délabrement économique, de flux de réfugiés et de massacres confessionnels ou ethniques. Le tout devrait durer une dizaine d'années, jusqu'à ce que la population irakienne, exsangue, contraigne les chefs de guerre à reconstituer un Etat faible dans une ambiance apaisée; ou se soumette à une nouvelle dictature unitaire.
Le problème des réfugiés posera un problème particulier. À l'heure où tout l'Occident se voit confronté au péril du terrorisme islamiste sur son sol, terrorisme qui ne pourrait exister sans un abondant vivier immigré, le risque est grand de voir ces populations croupir des années dans de vastes camps aux frontières de l'Iran ou du Koweit.
Je termine là, je n'ai plus le moral…

Michel Villan
10 avril 2004

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