Exception islamique


"L'EXCEPTION ISLAMIQUE"
Hamadi Redissi
Seuil
2004    Paris

LIENS:
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Une analyse lucide et souvent acide des causes du retard du monde islamique par rapport au monde occidental. On est de plus en plus surpris, agréablement, par le courage d'une nouvelle génération d'intellectuels issus de ce que l'on nomme sommairement "le monde musulman". Ces hommes et ces femmes apportent la lueur d'espoir dont nous avons besoin.
A remarquer un exposé des débuts de l'islamisme. Idem pour les
faiblesses des classes moyennes dans les pays musulmans.
                                                                            M.X.Villan


Texte de la quatrième de couverture:

Ce livre tente de comprendre la stagnation de la "civilisation
musulmane" dans le théologico-politique. C'est aujourd'hui,
parmi toutes les civilisations du monde, la seule exception,
puisque les pays d'Asie par exemple ont globalement réussi
leur entrée dans la modernité, parfois en gardant subtilement
leurs traditions (cf le Japon et la Chine). Loriginalité de
Redissi consiste à passer en revue les éléments de cette excep-
tion (religieuse, politique, économique, sociale, culturelle)
pour montrer où elle se fixe (par exemple, dans la forme
presque toujours autoritaire du politique, ou dans les formes
patrimoniales de l'économie dominée par la rente et non
par ie travail...). Surtout, il met en lumière une "erreur" qui
traverse l'islam depuis le début: l'idée que l'islam n'a aucun
problème avec la raison et la rationalité scientifique, l'idée
aussi que l'islam est laïc par définition, qu'il se concilie sans
peine avec l'économie moderne, la démocratie, etc. Il y a là
un point aveugle, sur lequel même les réformistes n'ont guère
été lucides, car les ruptures nécessaires, par exemple la sépara-
tion de la religion et de l'État, ne s'accommodent guère de
ces visions conciliatoires, qui n'aboutissent qu'à des demi-
mesures, et même à une absence de mesures politiques. Faute
de payer le prix de la modernisation, les pays d'islam végètent
dans des semi-modernités, où, en dernière instance, le reli-
gieux a toujours le dernier mot et fait peser sa chape sur les
sociétés et les individus musulmans.
Ce livre original apporte beaucoup d'informations inédites
sur la situation {sociale et éducative, par exemple) des pays
arabo-musulmans.
Hamadi Redissi est professeur à l'université de Tunis.


Table des Matières:

Avertissement Introduction: Qu'est-ce que l'« exception islamique » ?

Chapitre 1. L'exception culturelle: une civilisation du milieu.   23
1. L'aventure ambiguë: 1798, Bonaparte en Égypte.   23
2. La contamination moderne.   30
3. La troisième culture.   33
4. L'exception japonaise.   40
5. L'identité narrative de l'islam.   44

Chapitre 2. L'exception idéologique: le fondamentalisme,
une nouvelle identité.   51
1. Entre jihad et ijtihad.   53
2. Vindiciae contra tyrannos est!   65
3. Mondialiser le devoir de tuer.   69

Chapitre 3. L'exception militaire: une religion de guerriers.   81
1. Les deux jihad.   84
2. Trois alternatives meurtrières.   87
3. L'islam, une religion de guerriers.   92
4. Terroristes, assassins, suicidés ou martyrs.   95

Chapitre 4. L'exception théologique: une religion à part.   109
1. Un contraste fondateur.   109
2. Islam, protestantisme et sécularisation.  118
3. Ni laïc ni religieux.   121

Chapitre 5. L'exception économique: un État prédateur.   129
1. Pourquoi l'islam n'a-t-il pas connu le capitalisme
moderne?   130
2. Le capitalisme, un miracle européen ou un miracle
del'Europe?   130
3. Le marxisme: des modes de production
au«système-monde»   132
4. Weber: l'islam, un féodalisme de bénéfices.   138
5. D'une exception à d'autres   140
6. L'État rentier, un frein à la démocratisation.   142
7. Parallèle entre l'État fiscaliste médiéval et l'État
rentier moderne.   147

Chapitre 6. L'exception sociale: la faiblesse des classes porteuses
de la démocratie.   151
1. Une bourgeoisie historiquement défaillante.   151
2. Les origines sociales de la dictature
au Moyen-Orient.   154
3. Une société civile minée.   159
4. Un milieu éducatif défaillant.   162

Chapitre 7. L'exception politique: des régimes autoritaires.   179
1. L'autoritarisme, une fatalité ?   12
2. De la domination patrimoniale à la privatisation
de l'État.   184
3. L'islam est-il compatible avec la démocratie ?   187
4. Sortir de l'exception théologico-politique.   191
Conclusion: Les clercs, le Prince et les lumières.   199
Notes.   213


Quelques éléments intéressants parmi d'autres:

Page 146 : « En 1998  le PNB. global des 22 pays arabes atteint un peu plus du tiers de celui de la France. Le PNB par habitant est de 2100 $ contre une moyenne mondiale de près de 5000. Le monde arabe attire moins de 1,1% des flux d'investissement directs. Equipement en systèmes de communication: 6,49 lignes téléphoniques et 1 téléphone portable et 1 ordinateur individuel pour 100 habitants, la moyenne mondiale étant de 15,1 pour les lignes téléphoniques, 8,2 pour les téléphones portables et 6 pour les ordinateurs individuels. « Partout l'économie est gangrenée par la corruption, le clientellisme et l'évasion fiscale. »
Taux de chomage : 15%, taux de pauvreté : 32,4%, taux  d'analphabétisme : 30% ; 2% du PIB consacré aux dépenses sociales ; seule l'Afrique sub-saharienne (noire) présente un tableau plus affligeant. Ces chiffres sont tirés, premièrement, d'un rapport du PNUD édité en 2002, et, secondement, d'un rapport édité en 2001 par d'un économiste, ancien président du conseil d'administration d'Amnesty International.

Page 153 : « La ville islamique est patricienne, c'est-à-dire dirigée par un cercle de notables, par des lignées et des familles dressées les unes contres les autres. Trois éléments - juridique,  politique et culturel - manquent à la ville islamique. » L'auteur signal que la ville islamique n'est pas une commune au sens occidental du terme, ayant un droit propre, une représentation  légale propre, un patrimoine. Il n'y pas non plus de prise de pouvoir politique par la bourgeoisie,  « …enfin un obstacle de nature culturelle freine aussi l'évolution : précisément la religion islamique. »

Page 160 : Bernard Lewis, parlant de la société de l'islam sunnite classique, médiéval ; [laquelle se prolongea presque sans changement jusqu'à la veille de la période dite coloniale] : « … l'islam ignore les personnes civiles morales, les conciles, les communes, les synodes, les parlements, les corps électifs, les associations volontaires incluant les corporations d'affaire, les trade-union [syndicats ouvriers], les partis politiques, les Eglises [dans leurs structures hiérarchiques], les collèges indépendants, les clubs, les équipes sportives, et tout ce qu'on peut appeler une société civile. »  

Page 162 : « …le discours reste islamiste et quasi magique. Il suscite une ferveur inégalée, il fait rêver les gens. »

Page 164 : L'éducation islamique était regardée avec condescendance, on pensait qu'il s'agissait « …un genre mineur pour les musulmans ». Le 11 septembre a changé tout cela, et on se rend compte du « …danger majeur… » qu'elle constitue.

Page 166 : « Il ressort d'ailleurs d'une enquête statistique menée au Maroc auprès de 865 jeunes, filles et garçons issus de la classe moyenne, que 69% affirment croire en la magie, 75,8% en la superstition, 79% ne faire confiance qu'à famille » ; la plupart pensent que « l'islam enjoint la liberté, la justice, la fraternité et l'égalité, » tandis que « le capitalisme cultive la haine, l'exploitation et la ségrégation,… »
L'enquête a été réalisée au Maroc en l'an 2000.

Page 167 : Proportion énorme de l'enseignement islamique dans le cursus scolaire habituelle. « S'agissant de l'enseignement public de base, le volume horaire consacré à l'instruction religieuse stricto sensu, est normalement élevé : 10% du total sur les douze années d'enseignements pré-universitaire (Bahrein, Egypte, Jordanie, Koweit), 30% pour les neuf premières années, puis plus de 15% (Arabie Saoudite), une graduation allant de 20% pour les six premières années à entre 14% et 10% pour le restant du secondaire (Qatar). »
L'auteur dit qu'est impossible de quantifier exactement le volume de l'enseignement islamique puisque « …l'islam est enseigné dans toutes les disciplines relatives aux humanités (langues, histoire, éducation civique, philosophie)… »

Page 169 : Au sujet des réactions de l'Etat envers l'islam et de l'action de ce dernier sur la société. Ceci est un résumé du cas turc : « Ceci pour dire que la marge de l'Etat est bien étroite : quand il prend en charge la religion, il participe de la réislamisation par le haut, mais quand il cède l'éducation aux agences privées, celles-ci réislamisent la société par le bas. »  « On le voit même en Europe, où les jeunes musulmans issus de familles islamisée, qui  vont à l'école publique laïque, sont sensés être prémunis contre la contagion. Pourtant, à la sortie de l'école, ils sont récupérés par des  professionnels de la  propagande religieuse. »

Page173 : « L'islam ignore aussi les réflexions subtiles sur la distinction entre le jus et la lex, le juste, le légal et le bon, la res publica et la république chrétienne. »

Page 174 : « C'est cette religion naturelle, une sorte de jonction entre l'être du monde et l'être-au-monde de l'islam qui est enseignée dans les écoles. Elle renvoie toutes les autres croyances à leurs démons,… »

Page 176 : « Mais qu'est ce que l'idéalisme islamique, c'est une vie impossible à Médine, il y a quinze siècles ! »

Page 178 : Hegel disait que : « L'objet de la société civile, en général, c'est le Bürger, le bourgeois, en tant ce qu'il est homme et non par ce qu'il est juif, catholique, protestant, juif, allemand ou italien. »  Or, le bourgeois musulman est compradore, libertin, parasitaire, pieu, besogneux, sunnite ou chiite, tout sauf un homme.
(Hegel, « La phénoménologie de l'esprit » et « Principes de la philosophie du droit ».)

Page 181 : Au sujet de l'expansion cultuelle et économique, au sujet des conditions nécessaires à cette expansion :
« Économiquement, la prospérité ; socialement, une bourgeoisie puissante et une classe moyenne active ; politiquement, des élites favorables au compromis ; culturellement, une culture politique tolérante et non moniste. Il est évident, que, tel quels, ces conditions ne se rencontrent nulle part dans le monde arabo-islamique : la rente, la quasi-rente et le fiscalisme font exception économique, l'absence de bourgeoisie autonome et d'une classe moyenne émancipée du contrôle étatique bloque la transition sociale. »
Remarque au sujet du leadership arabe, toujours favorable à la confrontation. « Et la culture  musulmane n'est-elle pas réfractaire aux principes du libéralisme  politique, de la liberté, et de l'égalité universelle ? »

Page 193 : « Selon moi, l'islam réformisme, vaguement libéral, n'a pas accompli historiquement, ce que j'appelle la double fondation du lien social ; et aujourd'hui, il mène un combat d'arrière-garde dont tout indique qu'il risque de maintenir l'islam dans l'exception culturelle. »

Page 202 : Au sujet des échecs successifs des partisans de l'islam réformé : « J'impute au cercle de complicités qui lie les trois forces de l'islam, les clercs, le Prince et l'opinion publique, la responsabilité de maintenir l'islam dans l'exception. »

Page 207 : Au sujet de la cohabitation du pouvoir des ulémas  et de l'Etat :
« Le pouvoir en terre d'islam s'est toujours accommodé de ce partenaire encombrant, tour à tour conseiller du prince et confident de la Providence, prêt à rompre le pacte de fidélité à la première occasion offerte: une mosquée fermée, une déclaration imprudente, une opinion théologique dissidente, un relâchement des mœurs ostentatoire, des provocations confessionnelles. »

Page 209 : Au sujet de l'opinion publique arabe :
« Elle se meut naturellement dans ce cercle vicieux du fait qu'elle est préformée par une vision anachronique de la religion, entretenue par l'école publique, relayée par les médias- … »

Page 209 : « …l'espace publique fragmenté est saturé par la forte demande d'islamité de la part d'une opinion publique préparée à dire, voir et entendre ce que Dieu ordonne et interdit. »

Page 209 …Les acteurs du religieux sont en compétition pour la domination du champ de la grâce, celui qui structure le salut de l'âme, et pourtant dans un même élan ils se partagent le travail de destruction des élites éclairées, ils haranguent dans les mosquées, contrôlent secrètement les mœurs, propagent les idéaux de la plus belle des religions, montent aux créneaux contre les athées, les hérétiques, les libres penseurs, les francophones, les sionistes, les droits-de-l'hommistes, les renégats vendus à l'Occident, les libertaires, les homosexuels, les femmes, les prostituées, les démocrates, les gauchistes, … »

Page 570 : Double référence contradictoire dans les opinions arabes, l'une se révélant un standard international (droits de l'Homme) et l'autre la chariat.


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