Un ouvrage consacré au "continent obscur" du peuple iranien, soit sa jeunesse.
La jeunesse est la cible privilégiée de tous les régimes totalitaires. Elle porte les espoirs des Maîtres de l'Etat: par elle, dont l'éducation aura été soigneusement prise en main, se créera la Nouvelle société, définitivement guérie des tares de l'Ancienne. Que le régime soit bolchevique, national-socialiste, fasciste, maoïste, et maintenant islamiste, la méthode est toujours la même et les espérances identiques. On sait avec quelle brutalité le pouvoir khomeiniste a écrasé les milieux occidentalisés en Iran, une radicale brutalité qui rappelle le sort des bourgeoisie et aristocratie russes après 1917. Par le massacre, la dépossession, l'émigration, la terreur et l'humiliation, le pouvoir islamique a dégagé l'espace médiatique et les outils d'éducation pour mieux les ouvrir aux thèses de ses intellectuels. Les thèses islamistes ont donc été déversées sans frein dans les jeunes cerveaux pendant deux décennies. Il est donc terriblement intéressant de prendre connaissance des résultats obtenus.
Le résultat est un désastre.
On n'aurait pas su échouer plus complètement...
Mahnaz Chirali et ses aides ont discrètement questionné le nouvel homo islamicus. Plus précisément deux groupes de jeunes, garçons et filles, venus tant du nord que du sud de Téhéran. Le matériau ainsi rassemblé est volumineux. Il en ressort que la rupture idéologique et affective entre le Pouvoir islamique et la plus grande partie de la jeunesse est totale. Les exemples sont innombrables. Les 220 pages de l'ouvrage en sont remplies. Les jeunes réclament une liberté individuelle (page 34) que le régime ne peut leur accorder car cela reviendrait à mettre en veilleuse les principes sacrés de la République islamique (page 30). Devant les innombrables transgressions au code de morale islamique dont les jeunes se rendent coupables, il réplique par un harcèlement constant: arrestations, brutalités, fouet, rasages répétés de la chevelure. Accompagnées de la réalité du chômage et de la stagnation économique, de la difficulté extrême de s'imaginer un avenir (pages 2-3), ces mesures de répression provoquent sentiment de désespoir et comportements autodestructeurs variés (page 12). Le pays compte 100 000 drogués, jeunes pour la plupart. Le fléau est en expansion rapide. La répression se cristallise évidemment autour de la question des rapports entre les sexes. Circonstances aggravantes, la théologie et le droit islamique - tout comme, ailleurs, la théologie morale catholique - accordent une grande importance à cette question. Les médias de l'Etat s'étendent donc sur la question jour après jour... alors même que les forces de sécurité traquent toute manifestation d'activité sexuelle non admise par l'autorité religieuse (pages 161-162).
La jeunesse en est donc venue à mépriser l'Etat islamique (page 172).
L'évolution la plus récente montre un passage du rejet total de l'Etat à un début de tentative de se servir de certains de ses composants idéologiques pour le combattre (page 200).
Pour couronner le tout, s'ajoutent à tout cela les difficultés habituelles de la coexistence entre les deux sexes, amplifiés formidablement dans les pays d'Islam par la ségrégation sexuelle. Se perpétuent donc dans les esprits de la jeunesse actuelle toutes les inhibitions, calomnies, incompréhensions et maladresses qui pourrissent les rapports entre hommes et femmes.
Bref, un livre instructif qui fournit quelques lumières sur l'avenir de l'Iran.
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M.X.Villan
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