La reconstruction de l'Irak

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Opinion du Webmaster

Reconstruction en Irak : Un eldorado pour les compagnies US?

Au moment de l'invasion anglo-américaine de l'Irak, je me suis félicité, comme tout le monde, de la modération avec laquelle l'état-major allié usait du tapis de bombes et du pilonnage d'artillerie : tant de ponts laissés intacts, de quartiers d'habitation épargnés, d'usines laissées en l'état… On était loin des bombardements massifs de la première guerre US contre l'Irak. Puis, comme tout le monde, je me suis irrité de la mollesse avec laquelle ce même état-major abordait les problèmes de reconstruction, alors que les Irakiens patientaient (mal) dans le noir et puisaient l'eau dans le fleuve Tigre. Je me suis alors rendu compte de la véritable signification du mot « ladrerie » quand j'ai comparé les dépenses du Pentagone en général et le misérable salaire accordé aux policiers du nouvel Etat irakien en voie de formation. Je me suis naïvement dit que si les militaires US avaient eu la sagesse de renoncer à l'achat de l'un seulement de leurs chasseurs F-117, ils auraient pu payer grassement une armée d'auxiliaires locaux, bien plus efficace que des GI's incapables de parler la langue du pays. Et diablement coûteux en  salaires, primes, équipements, frais de distraction et d'hébergement, billets d'avion, et …pensions pour leurs veuves. « Les affaires de l'Amérique, ce sont les affaires » disait je ne sais plus quel fameux président des Etats-Unis. La situation de l'Irak est une belle illustration de cet axiome : le pays le  plus riche du monde, celui qui déborde exemplairement de biens matériels, est en train de s'enfoncer dans un bourbier politique et humain en grande partie parce qu'il est trop radin pour offrir à ses nouveaux sujets un peu de ce pétrole qui leur manque, ou un peu d'électricité, ou quelques vivres… L'Histoire rejoint quelques fois le Burlesque. C'est en quelque sorte  l'une des contributions majeures de Georges W. Bush à l'Histoire de son pays (avec les élections « floridiennes »).
Les empereurs romains, qui devaient être d'une autre étoffe, savaient que le peuple a besoin de pain et de jeux. Ils organisaient de grandes et régulières distributions de denrées alimentaires de base à la population des grandes cités de l'empire, Rome, Alexandrie, Constantinople, Antioche. Des distributions tellement nécessaires à la vie de ces grandes cités que le jour où les Arabo-musulmans conquirent la riche province d'Egypte, pourvoyeuse de grains pour tous les grands centres du bassin méditerranéen, elles périclitèrent presque immédiatement, et ce qui restait de la civilisation antique avec elles.
Saddam Hussein, qui n'a pas duré si longtemps pour rien, faisait d'ailleurs la même chose en donnant à son peuple autant de carottes que de bâton.
Et, pour ce qui est des jeux, l'armée US ne convie guère les Irakiens qu'à de grandes parties de chasse mutuelles à balles réelles dans les rues et les campagnes d'Irak. Bref, il y a de l' amateurisme quelque part…
Mais cette litanie d'insuffisance ne s'arrête pas là. On sait que la grande affaire de l'administration Bush - et plus particulièrement de tous ceux qui, dans son personnel, ont fait carrière dans l'industrie d'armement - est l'usage de la supériorité militaire des Etats-Unis tout à la fois pour mieux assurer les intérêts politiques de Washigton, pour assurer ceux de ladite industrie d'armement et pour avantager les entreprises US travaillant à l'extérieur des Etats-Unis. Les nombreuses entreprises aéronautiques et d'armement ayant beaucoup souffert dans leur trésorerie de la fin de la guerre froide. La réussite d'un  tel projet oblige pourtant à réussir un tour de force qu'aucun empereur romain depuis Claude n'a réussi : faire des conquêtes rentables… La guerre coûte cher. Depuis toujours. Les tribus germaniques sacrifiaient leurs membres mâles, l'empire de Rome ses mercenaires et le produit de ses impôts, l'empire d'Iran les membres de sa noblesse, les califes arabes détruisaient l'assise même de leur économie agricole au profit des guerriers nomades dont ils avaient besoin, Lincoln anéantit la marine marchande des Etats-Unis et désertifia plusieurs des états de l'Union pour sa guerre contre le Sud, l'Etat soviétique sacrifia les espoirs de prospérité de ses citoyens au profit de l'Armée rouge… On  en finirait pas avec cette liste de sacrifices consenti au dieu Mars. Et W. Bush, lui, et tous ses amis qui ne sont jamais battus que pour décrocher des crédits d'Etat là ou des contrats ici, s'imaginaient faire des affaires, de bonnes  affaires, en faisant quelque chose qui n'a jamais rien rapporté qu'à des hommes comme César, Attila  ou Gengis Khan. Vertige de l'esprit d'entreprise US…
Car Attila, César, Gengis Khan avaient fait cette grande découverte qui manque au bagage culturel de W. Bush : pour s'enrichir à la guerre, il faut, premièrement, envahir des pays riches, secondement,  mater bien cruellement leurs populations, troisièmement, mettre la main sur des richesses faciles à emporter. W. Bush a envahi, premièrement, un pays du tiers-monde appauvris par un dictateur sanguinaire, deuxièmement, il voulait se faire applaudir comme un libérateur, troisièmement, les richesses qui faisaient saliver ses amis hommes d'affaires se trouvent enfouis à des centaines de mètres dans le sous-sol et ne sont récupérables qu'au prix d'une remise en état complète et furieusement coûteuse des installations pétrolières du pays…
Et on voit mal les grandes entreprises américaines envoyer leurs hommes exécuter de grands contrats en Irak alors que même les soldats US, plus compétents en matière de contre-guérilla que l'ingénieur pétrolier texan moyen…,  se font tirer comme des lapins. Il ne restera à ces trusts US qu'à sous-traiter à des entreprises irakiennes - celles-là même qui ont reconstruit le pays après la première guerre du Golfe -  les contrats obtenus auprès du nouveau gouvernement irakien. Si même celui-ci veut bien en accorder à des compagnies incapables de se déployer sur le terrain…
Bref, le Grand Dessein de l'administration Bush se dirige joyeusement vers un échec magistral.

Michel Villan     6 janvier 2004

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